dimanche 25 novembre 2012

La protection des emplois : une politique contre productive pour l'emploi


Le chômage français était de 10,8% au sens du BIT en septembre 2012. De l’aveu même du gouvernement, il devrait continuer à croitre tout au long de 2013 avant une hypothétique baisse à partir de 2014. Le chômage est l’une des préoccupations majeures des français et une source de mal être pour ceux qui le subissent comme pour ceux qui le craignent. Ainsi, le gouvernement ne manque pas de médiatiser son action pour lutter contre ce fléau. Les 8000 destructions d’emploi de PSA sont négociées directement avec le ministre du redressement productif, l’idée de nationaliser les hauts fourneaux de  Florange  est évoqué aussi bien par les politiciens de gauche que de droite pour sauvegarder les 629 emplois qui y sont associés. Les politiciens sont actifs et l’ont toujours été pour protéger les emplois, et leur action est surmédiatisée pour démontrer leur volonté et peut-être minimiser les inquiétudes de la population active.

Mais lutter contre la destruction d’emplois est-elle la meilleure méthode pour réduire le chômage ?


Selon Pierre Cahuc et André Zylberberg1, un pays comme la France détruit environ 10 000 emplois chaque jour ouvrable et en crée autant voir un peu plus en période «  normale » pour absorber l’augmentation de la population active. La destruction d’emploi est relativement stable avec une légère hausse en période de récession. Par contre, la création chute dans les périodes de mauvaise conjoncture, les emplois qui devraient être créés ayant un risque accru de se révéler non rentables. La variation du taux de chômage se fait donc d’avantage sur les variations des créations d’emplois que sur celles des destructions, et ce phénomène est commun à la plupart des pays, y compris ceux avec un chômage relativement faible.


Le modèle libéral du marché du travail américain mais aussi le modèle suédois basé sur la flexisécurité (flexibilité du marché du travail + filet de protection sociale important) obtiennent durablement de meilleurs résultats que le modèle français.
Les modèles suédois et américain ont en commun de ne pas privilégier une lutte illusoire contre la destruction d’emploi ce qui in fine facilite la création et un taux de chômage plus bas.
Le modèle français est enfermé dans un cercle vicieux. Les craintes (voir l’angoisse) liées à un taux de chômage élevé et une durée relativement longue des périodes de chômage, conduisent les politiciens à privilégier des solutions de court terme et médiatiquement parlantes. Soit : protéger les travailleurs du licenciement (procédures et coûts de licenciement plus lourds).
Ce qui entraine des conséquences négatives :
  •       Le coût associé à une mauvaise embauche (erreur de casting, rentabilité du poste négative en cas de mauvaise conjoncture)  augmente, les entreprises  sont donc incitées à limiter les embauches à risque (les personnes sans expérience ou éloigné de l’emploi, les embauches en période d’avenir incertain ou négatif).
  •     Ce frein à l’embauche limite la création d’emploi donc augmente le taux de chômage et la durée moyenne de la période de chômage ce qui crée d’avantage de crainte envers celui-ci de la part des travailleurs qui demandent de nouveau d’avantage de protection…
  •       Des travailleurs insatisfaits voir malheureux s’accrochent à leur emploi pour éviter une longue et difficile période chômage, ce qui est préjudiciable pour l’entreprise et le salarié.
  •       Les emplois précaires (intérim, CDD) se multiplient pour donner aux entreprises la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux variations conjoncturelles.

La politique de l’emploi en France favorise donc les travailleurs en activité (qui ont toujours un risque de se retrouver au chômage) au détriment des personnes à la recherche d’un emploi.

Les raisons du choix de cette politique peuvent être expliquées en partie par des raisons culturelles. La France n’a pas un esprit aussi libéral que les anglo-saxons et le dialogue social n’est pas aussi performant qu’en Suède. Une réforme du marché du travail qui consisterait à diminuer la protection du salarié au profit des demandeurs d’emploi, ce qui réduirait in fine le taux et la durée du chômage, est difficile à mettre en place. On sait ce que l’on perd, une relative protection, mais les bénéfices sont incertains surtout à court terme suivant les modalités de la réforme.

Pour une explication accessible mais plus complète et plus nuancée voir le livre « Nos phobies économiques » d’Alexandre Delaigue et Stéphan Ménia, édition PEARSON, 2010, à 15€ disponible en Ebook.
Leurs blogs : Econoclaste et Classe-éco

Un article sur la flexisécurité

Et un article contre la flexibilité

MAJ :

Un avis un peu trop tranché et sans nuance
La politique industrielle en France : enjeux et controverses par Cap'tain €conomie pour un billet plus académique par un mec un peu plus pro.

1 Piere Cahuc et André Zylberberg, « Le chômage : fatalité ou nécessité ? », collection CHAMPS, Flamarion, 2004.

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