Cet article du Monde nous apprend que le
Royaume-Unis réfléchie à la possibilité de contraindre les personnes obèses à
faire de l’exercice sous peine de sanctions financières. On apprend également
que la ville de Strasbourg fournie des abonnements dans des salles de sport sur
ordonnance du médecin.
Les
comportements nocifs pour soi mais surtout pour la société font intervenir le
législateur qui cherchent à les réguler (vol, drogue illicite, tabac, abus de
pouvoir, etc…).
Cette
législation limite les libertés individuelles : l’interdiction de tuer
autrui ne pose pas de problème (et encore…), interdire l’usage des drogues
dures est admis même si certains pensent qu’il serait plus efficace de légaliser, fumer du tabac
est légal mais fortement taxé, etc…
La
proposition de contraindre les personnes obèses à pratiquer une activité physique
sous peine d’amende revient à taxer un comportement nocif pour l’individu et
pour la société.
- Taxé dans le sens où il y a une sanction financière si l’activité physique n’est pas pratiquée, mais également taxé en terme de temps, d’efforts, de coût d’opportunité si cette activité est pratiquée.
- Comportement nocif : l’obésité entraine des complications de santé qui ne sont plus à prouver pour l’individu mais également des coûts pour la société dans le cas où les frais médicaux sont en partie payés par l’Etat et donc par la collectivité.
Une comparaison avec la consommation
de tabac.
Le
législateur « vend » la taxation en privilégiant l’aspect moral et le
bénéfice sanitaire pour le consommateur. Or, dans le cas de la cigarette, les
hausses de prix n’ont que peu d’influence sur les quantités consommées, on
parle d’inélasticité prix. Seule une forte hausse réalisée en une fois fait
baisser significativement la demande. Des hausses « modérées »
successives ont un impact faible à long terme,
avec une chute temporaire de la demande au moment de la hausse des prix.
Donc taxer le tabac sans autres mesures de prévention revient à contraindre le
consommateur, qui n’est pas dissuadé de la cigarette, à cotiser sous forme
d’impôt pour ses futurs frais médicaux devenus plus probables.
Quelques
principes sur l’assurance :
Les
cotisations pour les complémentaires maladies augmentent avec l’âge de l’assuré.
Avec l’avancement dans la vie, la probabilité de tomber malade devient plus
grande.
Hors
franchise, mutualisation et coûts de transaction, la cotisation est égale à la
probabilité de percevoir l’indemnité multipliée par le montant de l’indemnité.
Cotisation =
p * indemnité avec p la probabilité
que l’évènement qui déclenche l’indemnité se réalise
Si la
probabilité d’être indemnisé devient très importante et s'approche trop de 1,
on perd le principe de l’assurance. Pour le cas extrême où p = 1 (l’évènement
est certain) la cotisation est égale à l’indemnité se qui correspond à une
épargne.
Avoir un
comportement qui augmente fortement le risque de maladie ne peut plus être
assuré, le consommateur doit épargner volontairement ou non pour pouvoir payer
ses frais de santé. Les assurances « invalidité » ne peuvent plus
être souscrites après le diagnostic de certaines maladies par exemple.
La
consommation de tabac augmente significativement la probabilité d’avoir recours
à des soins médicaux. La réglementation interdit aux assureurs privés de tenir
compte ou de collecter certaines informations pour éviter des dérives, mais la
partie de l’assurance santé supportée par l’Etat contourne le problème en
taxant les produits néfastes et non en augmentant les cotisations des assurés
aux risques plus élevés.
Pour en
revenir à l’obésité, si le risque sanitaire lié au surpoids devient trop
important, il est donc rationnel que le principe de l’assurance soit remis en
cause et qu’un dispositif d’ « épargne » soit mis en place. Le
nombre de décès lié au cholestérol et aux problèmes de poids aux Etats-Unis est
supérieur au nombre de décès lié à la consommation de tabac.
Évidement,
les incitations financières seules ne suffisent pas à modifier les
comportements. Pour ne pas être dans le cas où l’impôt supplémentaire soit
équivalent à payer ses futurs frais médicaux, il faut d’autres mesures
préventives et curatives.
Deux
arguments « éthiques » peuvent être avancés pour nier le principe de
taxation des mauvais comportements alimentaires, mais ils ne sont pas
irréfutables.
Se contenter
de dire que les personnes en surpoids ne sont pas responsables de leur
situation et donc, qu’il est injuste de les taxer ne suffit pas.
Même s’il y
a un fort déterminisme génétique pour les problèmes de poids, les mauvais
comportements alimentaires ne sont pas sans influence.
Les fumeurs
sont taxés alors que la probabilité d’être fumeur en ayant des parents fumeurs
est forte comparée à la probabilité d’être fumeur avec des parents non-fumeurs.
De plus, la sensibilité aux addictions est en partie déterminée génétiquement.
Il n’est donc pas raisonnable de dire que les fumeurs ont fait un choix libre
de toutes influences et qu’ils sont pleinement responsables de leur
consommation.
Idem, pour
les consommateurs de drogues illicites qui ont généralement des facteurs
génétiques, environnementaux, psychologiques qui ne les rendent pas non plus
totalement libre dans leurs choix et pourtant ils ont été mis dans
l’illégalité.
Ce qui
peut-être choquant dans la proposition anglaise, c’est de taxer un comportement
a posteriori, une fois que les effets
néfastes sont réalisés. Pour être clair, on taxe les personnes obèses et non la
consommation de produits malsains, alors que l’on ne taxera pas les cancéreux
mais uniquement les cigarettes. Même si ça présente des problèmes évidents de
stigmatisation, c’est surtout une question pratique. Taxer un cancéreux ne
servira à rien, même l’arrêt immédiat de la cigarette n’a que peu d’influence
sur l’avenir de sa maladie à court terme. Alors que modifier le comportement
de quelqu’un en surpoids, quelque soit le mode d’incitation, peut
encore être significativement bénéfique.
En France,
la taxation des personnes en surpoids n’est pas à l’ordre du jour, mais la
taxation des produits qui favorisent l’obésité est mise en place progressivement
: boissons énergisantes, soda, produits industriels, fast food et tout ce qui
ressemble à la junk food sont ou le seront à plus ou moins long terme selon
certains.
Pour
l’anecdote, Ryanair envisageait de mettre en place une tarification indexée sur
le poids des passagers. Ça se justifie économiquement, le coût
variable d’un vol est composé principalement par les coûts de carburant qui eux-mêmes
dépendent du poids transporté. Mais discriminer sur le poids est jugé immoral,
c’était un coup de com’.
En
conclusion, les pays occidentaux mangent trop, surtout trop de viande, souvent
mal et on gaspille énormément de nourriture. Les
politiques agricoles et le secteur alimentaire en général, qu’il soit européen,
américain ou dans les pays en voie de développement est jugée de plus en plus
inefficace en n’intégrant pas les coûts sanitaires, écologiques et
inégalitaires. A priori, à moyen-long
terme de nouveaux arbitrages seront mis en place, plus favorables à l’économie
d’énergie (production locale moins consommatrice d’eau et de carburant). Les
produits industriels trop salés, trop gras et trop sucrés devraient diminuer
par des incitations financières les rendant moins profitables et par
l’évolution de la demande avec des consommateurs mieux informés. Les monocultures des pays en
développement destinées à l’exportation au détriment des besoins alimentaires
locaux posent des problèmes d’inégalité qui influencent les
phénomènes migratoires et les problèmes qui lui sont associés. Etc…
Ps : Le
raisonnement ne tient pas compte de la mutualisation des risques en assurance qui
revint à faire porter une partie des coûts des personnes à fort risque par les
personnes à risque plus faible. La contre partie est la mise en place de franchise
et un menu de contrats pour s’adapter à chaque catégorie d'assurés. J’ai ignoré cet
aspect car cela fout le bordel pour la démonstration n’invalide pas le
raisonnement mais le nuance (fortement ?). Le point qui me semble
essentiel est de déterminer à partir de quelle valeur de p (probabilité de
bénéficier des indemnités) le principe d’assurance doit être complété par un
mécanisme d’incitation pour modifier le comportement nuisible et la mise en
place d’une taxation pour compenser l’augmentation du risque et des coûts qui
lui sont associés.
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