« On peut tromper 1 fois 1000 personnes mais on ne peut pas tromper 1000 fois 1 personne ».
L’obsolescence
programmée fait son retour médiatique avec une loi allongeant les durées
minimum de garantie.
Je
vais me baser sur un article du Monde qui recense les différentes formes
obsolescences programmées pour les discuter d’après un point de vue économique.
Je compléterai ce référencement avec les exemples qui sont couramment avancés dans les médias.
A- La fragilité générale des biens
Chaque
bien est un mix de différentes qualités telles que l’esthétique, la
fonctionnalité, le prix, la durée de vie. Chaque qualité imposant des
contraintes aux autres (esthétique impose le recours à des matériaux moins
solides par exemple, ou un prix bas conduit à une utilisation de composants de
moins bonne qualité). Il suffit que la durée de vie soit une qualité peu
privilégiée par les consommateurs pour que les producteurs n’en fassent pas une
priorité et favorise des qualités plus intéressantes
pour leurs clients. D’un point de vue théorique, on admettra qu’un client
préférera toujours un produit à un autre si l’ensemble des qualités des deux
produits sont identiques sauf une qui sera supérieure.
Concrètement,
entre deux biens identiques, le client préfère le moins cher. Entre deux biens
de même prix et à qualités identiques (esthétique, popularité, fonctionnalité
etc…) le client préfèrera le bien qui dure le plus longtemps.
Ce
principe reste théorique car il nécessite plusieurs hypothèses notamment la
concurrence pure et parfaite. Néanmoins, si on laisse le temps aux
consommateurs de faire l’apprentissage des produits, à terme on arrive à une
sélection qui répond au mieux aux attentes du client, chaque producteur étant
animé par le recherche de profit, il cherchera toujours à s’adapter et être au plus près des préférences de ses
clients pour gagner des parts de marché.
B - Les pannes électriques prématurées.
La concurrence se
faisant essentiellement par les prix, les producteurs sont incités à baisser
leurs coûts de production au maximum pour gagner des parts de marché en limitant
la qualité des composants dont la durée de vie sera inférieure à des composants
de meilleure qualité mais plus chers. Si un producteur était capable de produire
un bien aux caractéristiques équivalentes mais plus durable pour le même prix
de vente, il est fort à parier qu’à moyen terme il s’accaparera l’ensemble de
son marché par la simple promotion de ses clients vantant son meilleur rapport
qualité/prix.
Cette obsolescence est
le résultat de la démocratisation de ces produits par la chute de leur prix.
Des produits plus
chers à la durée de vie plus longue existent : Dyson, des cuisinières haut
de gamme, des machines à laver allemandes, mais leurs prix ne les rendent pas
accessibles à tous, la qualité ayant un coût.
C – Les pièces usées non remplaçables
C1 – Les
pièces moulées
Certaines pièces sont
moulées et ne sont plus un assemblage mécanique de pièces ce qui rend leur remplacement impossible, cela
est encore le résultat de prix bas privilégié par le consommateur, le moulage
présente un coût de production moindre qu’un assemblage mécanique de plusieurs
pièces.
C2 – La
difficulté de faire réparer ses appareils par un professionnel (qui cumule les
activités de réparation et de vente)
C’est le même principe
que le contrôle technique et les garagistes, mieux vaut séparer les deux
activités car le client s’expose à une asymétrie d’information et à un conflit
d’intérêt. Le client demande un diagnostique à un professionnel qui a
l’opportunité de réaliser une meilleure opération financière selon le résultat.
Les mécanismes d’incitation ne sont pas en faveur du client qui aurait mieux
fait de s’adresser un pur réparateur qui lui est incité à trouver une solution
de réparation et au meilleur coût si son secteur est concurrentiel. Encore une
fois la responsabilité revient principalement au consommateur.
C3 – La réelle difficulté de trouver des pièces
de rechange.
Pour le petit
électroménager au prix de la main d’œuvre il est rationnel de ne pas souhaiter
réparer et d’investir dans un nouveau produit, la différence de prix entre les
deux possibilités n’étant pas à l’avantage de la réparation.
Pour des appareils de
prix plus important, là encore, il s’agit d’une conséquence des habitudes des
consommateurs qui ne privilégient pas les réparations rendant la filière peu
rentable par la faiblesse de la demande, au point de la faire
quasi-disparaître. Par l’effet de la crise, et la nécessité de réduire les
dépenses, la demande en pièces détachées redémarre au point que certaines
marques investissent fortement dans cette filière (SEB).
C4 – Le cas des batteries d’Ipod
Une class’action a été
lancée contre Apple pour l’obsolescence de ses batteries. Plus généralement les
produits Apple sont relativement cher comparés à la concurrence. Encore une
fois, cela est le résultat des habitudes de consommation des clients. Apple
bénéficiait d’un pouvoir de marché important, l’image de sa marque lui assurait
la fidélité de ses clients et en attirait de nouveaux, ce qui lui permet de
contrôler les prix de son marché et de les fixer au-dessus de la concurrence
sans nuire au volume de ses ventes lui assurant par la même une rentabilité
importante. Ce pouvoir de marché exceptionnel lui a permis de ne pas assurer de
service après vente convenable et même peut-être de limiter volontairement la
durée de vie de ses batteries. La Class'action s’est conclue par un
dédommagement des clients en produits Apple, et ces clients ont continué à
acheter par la suite du Apple au lieu de sanctionner l’entreprise pour son
mauvais comportement. Si les consommateurs s’étaient détournés de la marque,
celle-ci aurait été obligée de revoir sa politique pour ne pas voir ses ventes
chuter. (Apple vient d’annonce des chiffres décevants, l’Apple 5 ne convainc pas
les clients qui préfèrent se tourner vers d’autres produits comme Samsung ou
l’Apple 4 et 4S, ce qui prouve que le client est capable de s’adapter s’il
estime ne pas payer le juste prix).
D- La solidité des voitures et la difficulté d’effectuer soi-même les réparations simples.
D1- Les
carrosseries molles
La fragilité des
carrosseries qui s’abîment au moindre choc sont une conséquence de la recherche
de sécurité. L’habitacle a une structure relativement rigide pour protéger les
passagers, mais entre celui-ci et la carrosserie, les ingénieurs ont prévu une
organisation qui permet d’amortir les collusions. Ainsi, la mollesse de la
carrosserie plus des vides et des matériaux « pliables » entre l’extérieur de la voiture et
l’habitacle permet une dissipation de l’énergie cinétique nuisible aux
passagers lorsqu’il y a collision.
D2 – Les
réparations simples
On reproche aux
voitures de ne plus permettre aux usagers de les réparer eux même en
particulier les ampoules de phares, la batterie etc.. On peut envisager la
possibilité que cela relève des préférences du consommateur qui accorde
beaucoup d’importance à la taille de l’habitacle toute en minimisant la taille
totale de la voiture, imposant ainsi aux producteurs des contraintes sur
l’organisation spatiale de la partie sous le capot qui pourrait entraîner des
problèmes d’accessibilités aux consommables.
Le tout électrique pose également des problèmes, mais si cela ne correspond pas aux attentes du client cette technologie sera petit à petit rejetée. Néanmoins, elle présente certains avantages, comme un diagnostique relativement complet, rapide et relativement peu coûteux (même s’il doit y avoir encore des économies d’échelles à faire lorsque cette technologie se sera réellement démocratisée). Il y a également des qualités de prestige à avoir une voiture « moderne » qui peuvent compenser ces désavantages lors de l’achat et de l’utilisation jusqu’au jour où il y aura un problème…
Le tout électrique pose également des problèmes, mais si cela ne correspond pas aux attentes du client cette technologie sera petit à petit rejetée. Néanmoins, elle présente certains avantages, comme un diagnostique relativement complet, rapide et relativement peu coûteux (même s’il doit y avoir encore des économies d’échelles à faire lorsque cette technologie se sera réellement démocratisée). Il y a également des qualités de prestige à avoir une voiture « moderne » qui peuvent compenser ces désavantages lors de l’achat et de l’utilisation jusqu’au jour où il y aura un problème…
E- L’informatique
E1 – Les
logiciels trop complexes
Les fabricants de
logiciel, produisent généralement leurs produits avec le maximum de
fonctionnalités selon des contraintes de coût, de temps et de technologie. Les
fonctionnalités les plus avancées ne concerneront qu’une poignée d’experts mais
elles seront exigées, à défaut ceux-ci se tourneront vers la concurrence. Les
fabricants produisent alors plusieurs versions à partir de cette version pro,
mais chaque version coûte un peu plus cher puisqu’elle nécessite un travail de
réorganisation du programme. On arrive alors à un résultat surprenant, les
versions light coûtent plus chers à produire que les versions complètes mais
elles seront vendues moins cher. Le producteur à segmenter son marché, il fait
payer un prix en-dessous du « juste » prix aux consommateurs de
version light et un prix au-dessus du « juste » prix aux
consommateurs qui ont la plus forte propension à payer car ils exigent
certaines fonctionnalités. Le nombre de version n’étant pas illimitée car
coûteuse à produire, il est fréquent que les utilisateurs les moins experts se
retrouvent avec des versions trop complexes pour leur utilisation, mais ils
devraient se réjouir d’avoir acheté un produit à un prix en partie subventionné
par des utilisateurs disposés à payer d’avantage contre des fonctionnalités
avancées.
Cette segmentation de
la clientèle se retrouve fréquemment lorsqu’il existe des dispositions à payer
très diverses pour un produit ou un service dont le coût de production d’une unité
supplémentaire est nul ou quasi nul et la discrimination possible (billet de
train, cinéma etc…)
E2 – Les
imprimantes et les cartouches
Hors la fameuse puce
limitant le nombre d’impressions, il me semble (l’expérience personnelle compte
beaucoup dans l’obsolescence programmée…) que les imprimantes et les vieux
modems ont toujours été des produits informatiques sensibles en particulier en
terme de stabilité. Ainsi, malgré une certaine expérience dans ces
technologies, elles ont (avaient ?) régulièrement des problèmes de
compatibilité avec d’autres programmes demandant de nombreuses manipulations
pour être réglées (calibrage, drivers, réinitialisation etc…) Les imprimantes
utilisées en entreprises sont généralement moins sensibles mais le prix et leur
environnement (gestionnaire informatique) n’est pas le même.
Concernant les
cartouches d’encres dont un message inviterait à les remplacer prématurément,
on peut imaginer qu’il y a là un aspect pratique à avertir avant la panne sèche
pour pouvoir se prémunir, il suffit de savoir que l’on peut encore imprimer
après le premier message d’alerte.
Les cartouches sont
également des biens complémentaires, tout comme les rasoirs et les lames. Les
producteurs sont tentés de profiter du manque de rationalité et de la myopie des
consommateurs qui privilégient parfois la comparaison des prix de l’achat du
principal (rasoir – imprimante) en ignorant plus ou moins partiellement le prix
des consommables. Les producteurs sont alors incités à se faire une guerre des
prix sur le principal qui peuvent les conduire à proposer un prix en-dessus du
« juste » prix, ils profitent ensuite que le consommateur soit
captif (incompatibilité des consommables) pour refaire leurs marges (prix plus
élevé que le « juste » et/ou inciter à la surconsommation). Là
encore, ce résultat est la conséquence de la myopie des consommateurs.
Depuis peu, il existe
des cartouches génériques et/ou rechargeable à moindre coût, ce qui illustre
parfaitement que si une demande est insatisfaite et que la technologie le
permet, un producteur tentera d’y répondre. On pourrait se questionner sur les
délais de mise en place, mais on pourrait évoquer le temps d’apprentissage des
consommateurs et les délais techniques qui s’imposent aux producteurs pour s’adapter.
E3 – Le
vieillissement des PC
Une mauvaise
maintenance des PC, défragmentation tardive, installation de programmes
publicitaires involontairement, non suppression des programmes/fichiers
inutiles sont des causes connues de mauvaise performances pouvant entraîner une
frustration chez l’utilisateur qui sera tenté de remplacer son matériel plutôt
que de le nettoyer.
Le matériel
informatique vieillit également en particulier les processeurs qui rendent en
quelques années le pc, a fortiori mal
entretenu, difficilement utilisable confortablement.
Lors de la commercialisation
des CD, les producteurs-utilisateurs pensaient honnêtement que les données
gravées sur ces supports auraient une durée de vie de plusieurs dizaines
d’années. Ils se sont aperçu par la suite qu’une dizaine d’année suffisait pour
corrompre les données numériques gravées.
F- Les téléphones portables
Les effets de mode,
les innovations technologiques et la pression sociale poussent à un renouvellement fréquent de ces appareils, incitant ainsi les producteurs à
privilégier des caractéristiques esthétiques, ergonomique et tarifaire au
détriment de la durée de vie des produits et des filières de pièces détachées.
Certains best-sellers
avec une image de marque importante détiennent un pouvoir de marché
suffisamment important pour imposer les standards, avoir une politique de prix
au-dessus du « juste » prix et même contraindre les renouvellements
par des renouvellements de normes. Encore une fois, le consommateur est capable
d’apprentissage et peut se détourner de la marque s’il estime ne plus être
satisfait du rapport qualité/prix proposé, incitant par la même cette marque à
revoir sa politique (ou pas… Samsung vs Apple)
G- La mode vestimentaire
Le shopping est devenu
un loisir comme un autre, où le plaisir de l’activité et l’acte d’achat en lui-même
peuvent apporter une satisfaction. Ainsi, comme tout loisir on peut souhaiter
le pratiquer à moindre coût, d’où un positionnement de certains produits à prix
très faible et à la durée de vie très limitée. Il existe des nouvelles matières
technologiques offrant confort, résistance et esthétisme mais elles sont
relativement plus chère et répondent à d’autres attentes du consommateur que le
simple acte d’achat. Les matières résistantes d’autrefois ont été abandonnées
par la volonté du consommateur qui n’y trouvait plus le bon mix
prix/qualité/confort/esthétisme/durée de vie.
On notera que dans la
plupart des cas, le renouvellement des vêtements se fait avant leur usure. Ce
qui prouve qu’il n’y pas besoins de rendre les biens inutilisables pour que les
consommateurs souhaitent les changer. On pourrait se questionner sur les
pouvoirs des agences de marketing, mais une théorie de base du marketing est de
savoir détecter les attentes latentes du consommateur (plus ou moins
conscientes). Si ces attentes souhaitent utiliser l’acte d’achat pour compenser
des frustrations, ce n’est pas de la responsabilité d’un ou des
industrielles/marketeurs mais de l’ensemble de la société qui auto-entretien un
certain type de comportements.
H- Des technologies inexploitées ?
L’idée que certaines
technologies permettant une production de biens de meilleure qualité à moindre
coût, seraient disponibles mais non exploitées pour éviter un effondrement du
marcher ne tient pas. Si un ou des producteurs détenaient une telle technologie
et qu’elle répond à des attentes du consommateur, elle serait exploitée par le
producteur pour augmenter ses bénéfices au détriment de ses concurrents. Penser
le contraire supposerait une entente entre les producteurs. Hors, le meilleur
moyen pour briser cette entente serait d’inciter une concurrence plus rude par l’augmentation
du nombre de producteurs jusqu’à ce que cette entente devienne instable et se
brise lorsqu’un producteur, misant sur son intérêt personnel, utilise cette
technologie pour s’emparer de l’ensemble du marché et la rente qui
l’accompagne. Je ne pense pas qu’il s’agit là des objectifs recherchés par les
adeptes de l’obsolescence programmée.
I- Conclusion
I1 – Les obsolescences programmées ponctuelles
Il doit exister des
obsolescences programmées ponctuelles dans une approche de One Shoot. Mais l’observation
de la réalité nous montre que le consommateur est capable d’apprentissage et
finira par se détourner d’un produit ne répondant pas à ses attentes de
qualités/prix.
Certains consommateurs
doivent ressentir une frustration à subir cette faible durabilité des produits,
mais il ne faudrait pas la ressentir qu’au moment de la panne, et savoir se
positionner correctement sur la gamme qualité/prix qui correspond à nos
priorités (et possibilités). Il est également certains que pour certains
produits la gamme n’est pas suffisamment complète si la demande sur certaines tranches
est insuffisante pour être rentable.
Cependant, il reste
des exemples difficilement explicables, la maintenance des voitures par exemple
est vraiment contraignante ou l’évolution de certaines normes comme les vis en étoile nous obligeant à nous
procurer un nouvel outillage ou d’accepter l’impossibilité d’ouvrir et de réparer
certains appareils. Concernant cette possibilité d’ouvrir certains produits,
outre les aspects esthétiques recherchés par le client qui conduisent à des pratiques
comme le thermocollage et d’autres possibilités la rendant impossible, il doit
y avoir des aspects réglementaires pour protéger aussi bien le producteur que
le consommateur de toutes manipulations hasardeuses préjudiciables.
I2 – Les mauvaises raisons de l’obsolescence programmée
Au-delà des aspects
consuméristes, il y a des bienfaits à certains renouvellements précoces lorsqu’ils
font suite à des innovations technologiques offrant de nouvelles expériences d’utilisations,
de confort ou permettant des gains d’efficacité dans la consommation d’énergie
(électroménager etc…). De plus cette recherche de prix bas, principale raison
des durées de vie courte, à permis une démocratisation de certains produits qui a été profitable à l’ensemble de la société, en plus d’un gain de confort
individuel pour ceux qui en ont bénéficié (lave-linge, lave-vaisselle,
aspirateur, voiture, informatique etc...)
Il me semble que le concept
d’obsolescence programmée recherche un objectif légitime, une remise en
question de nos comportements de consommation. Mais derrière cet objectif, il y
des enjeux électoraux qui incitent à faire porter la responsabilité de ses
comportements sur une poignée d’industriels sans nom plutôt que de culpabiliser
et responsabiliser des électeurs éventuels.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire