lundi 4 mars 2024

Inflation : entre méthodes et biais de disponibilité


L'inflation est l'évolution de l'indice des prix à la consommation sur une année glissante sauf mention contraire. Elle est de 2,9% en février 2024 mais revêt différentes valeurs selon la catégorie de biens. Ainsi, les biens manufacturés sont stables voir en baisse, tandis que l'alimentation a augmenté de 20% en deux ans. L'indice correspond a un ensemble de biens et services représentatifs de la consommation des ménages. Jusqu'aux années 80, l'alimentation et l’habillement représentaient les principaux postes de dépenses dans le budget des ménages. Actuellement, ces places sont prises par le logement et les énergies, la part de l'alimentation et de l'habillement a fortement diminué. Il y a également les nouvelles dépenses, dites incompressibles, comme les télécommunications. Peu de personnes peuvent désormais vivre sans téléphone ni internet ! L'INSEE fait évolué son indice avec la structure du panier représentatif moyen des français.

La déflation technologique fait diminuer l'inflation puisqu'à prix équivalent nous achetons un bien de meilleurs qualités. Ceci est un choix méthodologique de l'INSEE qui souhaite avoir un indice qui représente un panier stable dans le temps afin de pouvoir faire des comparaisons. Mais les consommateurs ne remarquent que peu cette déflation. En effet, personne ne peut acheter à 50€ un smartphone de 2015 en 2024 ! Il serait inutilisable. Les biens qui contiennent de l'électronique sont particulièrement concernés par cette déflation (voiture mieux équipé, smartphone, internet mobile, services de téléphonie...) mais pour le consommateur le prix payé est identique même si le bien ou le service s'est amélioré.

Lorsque cette déflation technologique s'applique sur des biens de forte valeur comme les voitures, ce qui peut représenter plusieurs milliers d'euros de déflation, il faut consommer beaucoup de plaquette de beurre avec un prix en hausse de 10% pour compenser. Or, on achète du beurre toutes semaines et une voiture tous les dix ans. On remarque donc beaucoup plus la hausse de l'alimentaire que la déflation sur les biens de fortes valeurs. On appelle cela le biais de disponibilité car cela nous vient plus facilement à l'esprit quand on cherche à évaluer l'inflation de manière intuitive.

Dans le panier représentatif de l'INSEE, le logement représente 6%. C'est un choix méthodologique ! Il fallait faire un compromis entre un locataire de grande ville qui dépense 33% de ses revenus en loyers et les propriétaires dont la mensualité de crédit n'évolue pas, donc inflation à 0% et même les propriétaires qui ont finit de payer leur crédit et qui ont donc 0% de leur budget pour le logement (je simplifie, l'INSEE prend en compte les taxes et l'entretien). C'est l’argument le plus avancé pour signifier que l'indice de l'INSEE n'a pas de valeur. Cependant, même si le choix méthodologique est discutable, il a sa justification dans son souci de représenter un ménage "moyen".

Il y a une nécessité pour l'INSEE de construire un indice stable dans le temps afin de rendre possible le travail économétrique des économistes. L'INSEE est indépendante depuis des décennies. Le gouvernement ne dicte pas à l'institut les chiffres qu'il publie. Ces deux chois méthodologiques et ce biais de disponibilité expliquent en grande partie l'écart entre l'inflation ressentie par les consommateurs et l'inflation mesurée par l'INSEE.