La discrimination au travail est majoritairement expliquée par des sentiments négatifs envers les discriminés : le machisme pour la discrimination des femmes, le racisme pour la discrimination des travailleurs issues de l’immigration y compris après plusieurs génération, le jeunisme antivieux etc…
Une expérience de laboratoire peut nuancer cette approche par un comportement rationnel de la part des recruteurs comme des discriminés
sans faire intervenir l’affect. (Le protocole de l’expérience et les résultats
chiffrés sont « à la louche », je suis encore incapable de
retrouver la source [1])
L’expérience est un jeu itératif c'est-à-dire en
plusieurs rounds soit l’équivalent de plusieurs générations dans la réalité.
Les recruteurs devront choisir leurs employés entre les verts et les rouges.
L’utilisation de ces codes couleurs est censée réduire la notion d’affect à
zéro.
Au début de chaque round, les candidats verts et rouges
doivent choisir s’ils investissent dans une formation à 10F pour accéder aux
postes qualifiés et percevoir un meilleur salaire. Le travail qualifié rapporte
20F et le travail non qualifié 8F (les montants sont arbitraires mais peuvent
avoir une forte influence s’ils incitent fortement un comportement, par exemple
en rendant la formation peu ou fortement rentable. On admettra que je les ai
choisis de manière à respecter les critères de l’expérience).
Les rouges et les verts rentrent en compétition pour
obtenir les différents postes. Après chaque recrutement, on attribut une
productivité aléatoire à chaque candidat, par exemple en lançant un dé à six
faces : 6 grande productivité, 1 faible productivité. Les probabilités
pour chaque équipes sont les mêmes et les recruteurs ne savent pas que cette
productivité est aléatoire mais constatent cette information après le recrutement.
Les résultats dans le monde parfait
Les rouges et les verts sont choisis de manière aléatoire puisqu’ils n’ont aucune différence. Les emplois qualifiés seront occupés à 50% par des rouges, 50% par des verts. Les verts et les rouges ne sont pas plus incités à faire ou non la formation et leur répartition est égale sur ce critère.
Les résultats dans un monde biaisé au départ
Au premier round, l’expérimentateur va piper les dés de
façon à ce que les rouges aient en moyenne une meilleure productivité que les verts.
Cet écart de probabilité reste cependant faible, mettons 3 pour les verts et 4
pour les rouges, en moyenne.
A partir du deuxième round, les dés sont de nouveau équiprobables,
il n’y a plus de différence entre les rouges et les verts dans leur
productivité.
En seulement trois à cinq round, les inégalités de revenu
sont flagrantes et la répartition des titulaires de la formation est tout aussi
inégalitaire.
Les recruteurs ont assimilés l’information que les rouges
avaient une meilleure productivité pendant le premier tour truqué. Ils ont donc
favorisé les rouges pendant le deuxième round. Les rouges ayant compris qu’ils
étaient discriminés à l’embauche ne souhaitent plus prendre le risque de faire
la formation et être déficitaire en n'obtenant pas les jobs qualifiés. Les rounds suivant ne font qu’accentuer les
discriminations et les inégalités.
Alors que l’inégalité était faible au départ, les
candidats et les recruteurs en adoptant un comportement rationnel et non
affectif, ont accentué ces inégalités.
Cette expérience a été réalisée en laboratoire avec des
étudiants-cobayes ignorants le protocole (surement plus rigoureux) et les
objectifs de l’étude.
Cette étude sert à expliquer en partie les inégalités persistantes entre la communauté noire et la communauté blanche américaine. Et ce malgré le temps qui s’écoule et qui laisserait penser que les discriminations iraient en s’amenuisant [1].
Retour à la réalité
Cette étude sert à expliquer en partie les inégalités persistantes entre la communauté noire et la communauté blanche américaine. Et ce malgré le temps qui s’écoule et qui laisserait penser que les discriminations iraient en s’amenuisant [1].
Les dés pipés du premier round peuvent être traduit dans
la réalité par la faiblesse relative en capital humain d’une communauté
immigrée qui ne maitrise pas la langue et la culture de leur nouveau pays. Ou,
pour le cas américains, qu’elle était historiquement discriminée de par la loi
et doté d’un capital humain initial moindre [2]. Ou encore dans le cas des femmes, leur arrivée historiquement tardive sur le marché du travail avec une relative faiblesse initiale dans le niveau de formation.
Le propos n’est pas de savoir s’il y a ou non une
discrimination racisme ou sexiste à l’embauche, mais de constater que ce n’est
pas la seule approche possible.
L’embauche repose sur la théorie du signal : le
recruteur ne sait pas qui il a devant lui et il n’a aucun moyen de le savoir à
moindre coût, en particulier en terme de temps. Tout signal qui peut indiquer
la productivité du candidat est pris en compte. Un diplôme, une école
prestigieuse, une expérience favorable sont des signaux qui augmentent la
probabilité d’avoir un candidat performant (sans pour autant le garantir, c’est
une question de probabilité !). A l’inverse, les signaux susceptibles
d’indiquer un rendement faible sont également pris en compte (même s’ils n’ont
plus de fondement solide, seulement historique et/ou auto-réalisateur).
Pour lutter contre les discriminations plusieurs moyens sont envisageables :
Pour lutter contre les discriminations plusieurs moyens sont envisageables :
- Une première approche consisterait à communiquer pour faire réviser l’interprétation des signaux non pertinents.
- La discrimination positive, efficace dans les pays où elle a été mise en place, pose des problèmes éthiques non résolus en France.
- Une autre solution serait de réduire le coût d’une mauvaise embauche pour favoriser la prise de risque du recruteur. Ainsi, la flexibilité du marché du travail et un licenciement plus facile ne serait pas nécessairement néfaste pour les personnes les plus « fragiles » et discriminées. Un moindre coût du licenciement peut augmenter leurs embauches et faire réviser, à terme, l’interprétation des signaux et favoriser l’investissement des discriminés en capital humain s’ils estiment que celui-ci a suffisamment de chance d’être rentable.
Tout ça est très théorique et marche pas mal en laboratoire et sur le papier. Mais dans la réalité, il est difficile de tester ces mesures, les travailleurs savent ce qu’ils perdent mais rien ne garanti le résultat.
NB : On notera que je me sers a priori d’une référence présente dans un livre de J.Stiglitz qui critique le libéralisme du marché du travail américain dans ce même livre…
[1] je suis persuadé d’avoir lu cette expérience dans « Le prix de l’inégalité » de J.Stiglitz mais je suis incapable de la retrouver malgré le temps consacré à cet objectif….
[2] Capital Humain : théorie de Gary Becker (prix Nobel d’économie), assimilable au niveau de formation, de sociabilisassions et de toutes caractéristiques qui augmentent la productivité d’un individu. Par extension sa santé etc…
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