mardi 11 octobre 2022

La réforme des retraites : un problème temporaire pour une crise systémique




 Le rapport démographique entre le nombre d’actifs et le nombre de retraités est passé de 2,02 en 2004 à 1,67 en 2020 (source INSEE). Ceci est principalement dû à la forte augmentation des retraités suite à l’arrivée des babyboomers à l’âge de la retraite. Le nombre d’actif à légèrement augmenté sur la période mais pas suffisamment pour maintenir le ratio ce qui pose le problème du financement des retraites par répartition en France. 

Pour financer ces retraites, plusieurs alternatives sont possibles : l’augmentation des cotisations, la baisse des pensions, l’augmentation du nombre d’actifs par l’immigration, le recul du départ à la retraite, ce qui diminue le nombre de retraités et augmente le nombre d’actifs, la retraite par capitalisation. 


  • L'augmentation des cotisations pèse sur le coût du travail et donc sur la compétitivité et/ou diminue le pouvoir d’achat des travailleurs. Le niveau de prélèvement en France est déjà l’un des plus élevé des pays de l’OCDE. De plus, la crainte de perdre en compétitivité et donc avoir un taux de chômage plus élevé rend cette mesure difficile à mettre en place. 

 

  • La baisse des pensions est également difficilement acceptable, notamment à cause du poids politique des retraités qui votent massivement comparativement au reste de la population. 

 

  • Augmenter le nombre d’actifs par l’immigration est tout aussi difficile à mettre en place compte tenu de la montée de l’extrême droite et des opinions xénophobes. L’immigration rapporte pourtant plus d’argent qu’elle ne coûte car 7 immigrés sur 10 travaillent dans l’année qui suit leurs arrivées (TVA, cotisations sociales, emploi que les natifs ne veulent pas occuper car souvent trop pénibles et peu rémunérateur). On estime à 1/3 les Français dont au moins l’un des grands parents est étrangers ou à 20% la population d’origine extra-européenne. Pour certains, ces chiffres sont déjà trop élevés car ils modifient la structure de la société en particulier le pouvoir politique et culturel potentiel. Les phénomènes migratoires ne sont pas nouveaux et ont toujours posé problèmes à certains. Au XIXème siècle, les Parisiens redoutaient l’arrivée des Bretons et des Auvergnats, après la 2nd guerre mondiale, les Italiens et les Portugais peuplaient les bidonvilles. Puis, les magrébins et maintenant l’Afrique noire sont stigmatisés. Hormis quelques pics ponctuels, les chiffres de l’immigrations sur longue période sont stables. 

 

  • Le recul de l’âge de départ à la retraite est le plus facilement acceptable politiquement, c’est pourquoi il est privilégié en argumentant avec l’augmentation de l’espérance de vie. Celle-ci est d’environ 80 ans à la naissance et de 88 ans à 65 ans lorsque l’on est en bonne santé. La différence entre 80 et 88 ans est due aux morts prématurés notamment chez les jeunes (accidents de la route, suicides...). L’argument qui consiste à dire que l’espérance de vie diminue aux USA et que ce sera le cas bientôt en France semble peu valide. En effet, les USA font face à des problèmes sanitaires qui n’ont pas lieu, ou dans une moindre mesure en France (coûts de l’accès aux soins prohibitifs qui font renoncer certains, crise des opioïdes, obésité, diabète, maladies cardio-vasculaire). Le recul de l'âge de départ pénalise les classes populaires. En effet, l’espérance de vie d’un ouvrier est inférieure de 5 ans à celle d’un cadre. Cette différence est à un travail plus pénible, même si la sécurité et les conditions de travail ont connu une nette amélioration ces dernières décennies, et à un mode de vie moins sains (tabagisme, activité physique, alimentation...). Certains trouvent cette différence d’espérance de vie injuste, d’autres mettent en avant la responsabilité individuelle concernant les mauvais comportements. 

 

Le décalage de l'âge de départ à la retraite pose le problème du chômage des séniors, mais ceci semble être un faux problème. En effet, le taux de chômage des +50 ans est de 6% quand celui de la population générale est de 8%, gonflé par le taux des -24ans qui est de 19% (source INSEE). Vous noterez que ce sont des chiffres au sens du BIT, qui minimise les taux par rapport aux inscrits Pôle Emploi par des critères plus restrictifs, en particulier en ce qui concerne la "recherche active".


  • Une autre solution possible au financement des retraites est le basculement plus ou moins progressif vers la capitalisation. C’est déjà en partie le cas avec l’instauration du plan épargne retraite (PER) encore faut-il être en mesure de pouvoir épargner chaque mois et surtout il reste non-obligatoire donc le problème des retraites du plus grand nombre et des plus fragiles en particulier reste entier. 

 

Le problème du financement des retraites en un problème transitoire. On estime que dans 20 à 25 ans le régime sera à nouveau à l’équilibre lorsque le pic de papyboomer sera passé. Certains estiment qu’il n’est pas nécessaire de faire une réforme structurelle pour un problème limité dans le temps. Ils envisagent de financer les retraites des 20 prochaines années par la dette. Or, la dette de la France est déjà à plus de 115% du PIB. Même si le seuil limite est débattu, il est certain qu’il n’est pas infini. Il y a 20 ans, après une étude contenant une grossière erreur de calcul, révélée par un étudiant en Master, on estimait qu’au-delà de 60% du PIB de dette celle-ci devenait problématique. Depuis, et encore plus depuis le COVID, on a largement dépassé ce seuil dans la plupart des pays développés sans que l’économie s’effondre. Mais encore une fois, ce seuil n’est pas infini. Les intérêts de la dette deviennent à partir d’un moment trop important en particulier quand les taux augmentent comme en ce moment ou comme en 2012. Pour faire face à la crise de la dette souveraine en 2012, la BCE s’est autorisée à racheter de la dette des états dans le but de faire baisser les taux et de neutraliser la dette rachetée, ce qui a augmenté la capacité d’emprunt. De plus, la dette ainsi neutralisée est potentiellement annulable ! Ce procédé, peu orthodoxe, est souhaité par certains pour financer des investissements d’avenir mais des pays plus conservateurs qui craignent des abus et donc une inflation incontrôlée s’y refusent. 

 

Comme vous pouvez le constater, il n’y a pas de solution magique aux problèmes des retraites des 20 prochaines années. J’ai essayé d’être le plus factuel possible, à vous de vous faire une opinion. 

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